LA DESERTUS BIKUS 2023 (VUE PAR TRISTAN)

LA DESERTUS BIKUS 2023  (VUE PAR TRISTAN)

Tristan nous fait vivre de l'intérieur la traversée de l'Espagne.


RECIT DE COURSE

3 copains autour d’une table avec un gros plat de pâte, pas de bière cette fois-ci. 

Il est 21h20. On est le vendredi 21 avril 2023.

Une forme d’inquiétude et d’excitation dans leurs regards me fait encore plus réaliser que dans 3h on sera au départ de la Desertus Bikus n°2.

Cette édition sera bien différente de la précédente. Cette année j’ai plein de copains à mes côtés sur la ligne de départ. Dans leurs discours et leurs regards je retrouve le Tristan de l’an passé qui attaquait sa première course ultra. 

Malgré l’expérience prise l’année dernière et pendant la TPR, je suis terrifié. L’orage s’abat sur le dépôt de La Course Livraison et je suis sans cesse entrain de me répéter que j’ai pas envie de souffrir. 

Le problème c’est que quand tu pars à 00h pour traverser l’Espagne du Nord au Sud t’es obligé de te faire violence. 

Pour moi le départ d’une course comme ça ce n’est pas au moment du décompte. 

Ça commence bien avant. 

Grossièrement la Désertus Bikus c’est un Rallye-Raid à Velo traversant l’Espagne en autonomie et sans assistance. 

Depuis Anglet jusqu’à Nerja.

Chaque concurrent a la responsabilité de tracer son itinéraire, avec l’obligation de passer par 4 Checkpoints et ceux-ci se trouvent dans des zones désertiques.

Cet hiver j’ai peu roulé, beaucoup de course à pied, un peu de travail mais beaucoup de réflexion sur mes motivations à faire cette course. 

J’en conclus que je veux prendre du plaisir, pas trop souffrir mais surtout participer à la première course ultra de pas mal de pote. Mon objectif est donc fixé, ça sera de ne pas arriver 2 jours après eux, et sur un mal entendu, faire un peu mieux que l’édition précédente. 

Changement de vélo, cette fois-ci je pars avec mon 2.11 en acier, fourche carbone, roues carbone et des pneus en 35cm montés en Tubeless. Grosse révision de celui ci chez Popular Cycling et je croise les doigts pour n’avoir rien à touché jusqu’a Nerja parce que je suis vraiment pas doué pour ça. 

La trace, on l’a travaillée entre Sales Gosses autour de pleins de pizzas quelques mois auparavant. Tristan Lombart a le même itinéraire que moi. Piwi, Joani, Robin et d’autres choisissent des options différentes. 

Du départ au Desertios de Monegros (CP1) mon tracé affiche 324km pour 3470m de dénivelé positif. 

Après des gros câlins et messages d’encouragement entre copains, à un moment il faut partir même si l’orage s’abat sur le Pays Basque. 

00h01 les 200 participants enfourchent leurs bicyclettes.

On essaye de démarrer entre Sales Gosses mais à la sortie du premier virage, je n'ai que Tristan et la pluie avec moi. 

Une bonne Nationale qu’on connaît bien sur 60km pour commencer, des lumières rouges devant nous. On est nombreux à avoir choisi de passer les Pyrénées par Ibañeta. Les kms passent, je suis trempé jusqu’à l’os et  j’espère juste que ça durera pas aussi longtemps que l’année dernière.

Après 4h à subir, on a bien avancé, une longue descente en passant par Roncevault, le sol est sec, je suis toujours avec Tristan. 

On s’engage sur une magnifique piste Gravel et Joani apparaît à ce moment là. Ca me fait rire, on se retrouve entre copains en plein milieu de la nuit. Tous le monde est dans le dur mais content d’être là. Le soleil se lève ça fais du bien, ça réveille. 

Au pied d’un village un groupe se forme on doit être 6, mais Joani nous fait signe que sa trace par vers la gauche, nous on continue à grimper en espérant trouvé un café ouvert au plus vite. 

Frigorifié, je me retrouve devant un distributeur de canette. Un coca, une cigarette, un véritable petit déjeuner de champion.

La pluie laisse place au vent et mon dérailleur avant commence à faire des siennes. 

200km après le départ, je suis encore avec Tris. Dérailleur avant HS, j’essaye de garder le sourire jusqu’à trouver un  bar ouvert et voir ce qu’on pourra faire. 

Un Plato combinado plus 3 cafés con leche, Tristan est toujours à mes côtés. Il me propose de jeté un coup d’œil à mon dérailleur. Conclusion, câble de dérailleur cassé. Forcément j’en ai pas sûr moi de rechange. De toute façon je ne saurais même pas le changer… 

Tristan sauveur m’en sors un de sa sacoche. Lui il est mécano chez Popular et il connaît mieux mon vélo que moi même. 

Le temps d’une cigarette il me règle ça à la perfection. Ça tiendra jusqu’à Nerja. 

Il nous reste environ 120km pour atteindre le CP1 et la pluie fait son retour. Tris a des jambes de feu et j’arrive pas à suivre son rythme. 

Je croise Elise avec qui je partage un bout de route, une boulangerie en approche dans un petit village. On s’arrête les 2, elle 5min le temps de se ravitailler, moi une bonne demi heure parce que je suis vraiment pas efficace. 

Je pars en dernier et je vois un portefeuille. C’est celui Tris, je le reconnais. Parti un peu plutôt, je l’appelle et lui dit de calmer son rythme pour lui rendre et éviter un bon aller retour. 

Du coup sans vraiment le vouloir on continue la route, Elise, Tris et moi jusqu’au CP1. 

Arrivé dans cette magnifique zone désertique, j’y retrouve Yvan l’organisateur de ce bourbier. 

Au même moment Thibault Sambourg un autre Sale Gosse y fait sa micro sieste, Tristan Lombart se ravitaille. 

Pour moi une clope et ça repart. 

Objectif, Saragoza à 100km de là, où j’espère y trouver un lit en dortoir. 

Tris me repasse devant vers 17h et lui aussi à un lit en ligne de mire à Saragosse. Il me passe un coup de fil une fois sur place et m’annonce qu’il m’a réservé un lit. 

Arrivé au pied de l’hôtel j’apprends qu’ils se sont trompés et que c’est complet.

Et ouais! Un samedi soir dans une grande ville c’est pas la meilleure option en course ultra. 

On trouve donc un parc, on gonfle nos matelas et je mange un grand bocadillo lomo queso. Grosse envie de dormir mais trop de bestioles volent autour de moi et de gens qui se promènent à côté. 

On décide donc de prolonger la journée de quelques bornes pour trouver un abris un peu plus loin de la ville.

Petit village en approche, il est 22h ça fait donc une bonne journée sans dormir. 420km au compteur, pas de douleur au genoux, du   jamais vu. 

Je me glisse dans mon duvet, j’ai mon gars très très sûr à côté de moi. J’active une alarme à 2h30 du matin. 

Le réveil sonne, j’ouvre difficilement les yeux et je vois Anais et Mathieu en face de moi. Des amis du pays qui sont là pour produire un film sur Tristan Lombart. 

On démarre notre journée en pleine nuit et au bout de 5km j’aperçois plus Tris. 

Je me dis alors que c’était sûrement la dernière fois que je verrai Tristan avant la ligne d’arrivée. 

Moi ça me va, c’est des expériences qu’on veut vivre seul, pour soi-même. Il est important de rouler à son rythme, je l’ai bien compris dans le passé. 

Je suis bien sur mon vélo, pas de douleur. Au petit matin, il fait très froid mais il ne pleut pas. De 6h à 8h30 c’est en général là où j’ai le plus de mal, j’ai sommeil souvent et c’est le moment où il fait le plus froid. 

Côté parcours, ça grimpote mon pote! 

A la bascule, je traverse des villages, rien d’ouvert. Je vois un abri de bus et Tris qui dort profondément, le Wahoo m’indique 0 degrés. 

20km après une ville un peu plus importante, station service sur la droite, je met le clignotant.

3 cafés con leche, je vide les rayons de la station. Je me pause, prend le temps d’appeler mon frère qui est en biketrip en Nouvelle-Zelande. 

J’ai commencé le vélo grâce à lui, on est très fusionnels, on partage les mêmes passions. Il me dit qu’il est impressionné par mon avancée de la veille. 



Ca me rebooste pour la journée. Un message à ma chérie pour la rassurer, puis un vocal à Julien Gravaud pour pas perdre nos habitudes de la TPR. 

J’ai le CP2 dans le viseur, ça parait pas si loin sur la carte mais le vent de face fait des siennes. Ligne droite en gravel le long d’une autoroute, tout ce qu’on aime!

On fait le yoyo toute la journée avec Tris, lui souffre d’un mal de genoux, pour ma part physiquement ça va mais mentalement ça pêche par contre. 

J’arrive au CP2 en fin de journée épuisé. 5km avant, j’ai fais une pause express station service, pas fumé de clope et je mange ma glace sur ma selle. Ravito express. 

3km de descente un peu engagé, je fumerai ma clope les pieds dans l’eau du Rio Dulce, lieu du CP2. 

Petit sentier magnifique, je suis entouré d’arbres et Thibault fait la jonction. Lui, il me le dis, il est là pour souffrir. Il est 18h je commence à fatiguer, le soleil a bien tapé toute la journée. Moi je suis pas là pour souffrir. 

« Si je trouve une ville pendant le coucher de soleil. Je m’arrête, je mange et je prend un hôtel. »

Briuega en contrebas, je laisse Thibault qui veut rouler toute la nuit. Je retombe sur Elise qui m’annonce que le vent va continuer jusqu’à 00h - 01h. 

Il est 21h je booke un hôtel à côté du resto.

Une bonne douche, très important. J’ai des irritations à l’entre jambes. 

Mais j’ai le smile!

Je regarde le Live Tracking avant de dormir et je vois que Joani est 20km derrière moi. Je l’appelle et lui dit que j’ai un lit dispo pour lui. 

Il galère, crevaison sur crevaison, plus de chambre à air. 

« Vas y j’arrive, le plus vite possible. T’as une chambre à air à me dépanner ? »

Joani

Le rdv à 1h pour partir avec Elise et un autre gars, j’y songe plus. 

On partira vers 2h30 après que Jo ait changé sa chambre à air. 

Les 100 premiers kilomètres de cette nouvelle journée sont gratuits. Quelques sprints pour distancer des chiens, un stop it pour esquiver des biches. Mais la nuit se passe relativement bien. J’ai des jambes et je ne subis pas trop la fin de la nuit. Joani est pétrifié de froid, on fait un petit crochet pour prendre un gros petit dej. 

Il faut s’activer parce que la veille j’ai fais un peu moins de 300km. 

Vers 10h, Joani fait un détour par un bike store pour faire le plein de chambres à air. 

La suite de la journée elle est simple, dure mais tu connais les règles. T’avances et tu fermes ta gueule. 

Parfois tu chantes du punk français, souvent tu rap et oui il faut bien s’occuper sur ces grandes lignes droite à l’Est de Madrid. 

La chaleur qui ressort de l’asphalte et le soleil qui tape me font saigner du nez. 

J’en ai plein le maillot, les sacoches et le visage. 

20 minutes sur le vélo pour stopper ça. 

J’arrive dans une ville assez charmante, une belle place et un bar restaurant plutôt classe. 

Je suis à bout de force donc je me pose, j’ouvre le groupe wattsapp des copains sur la Désertus. Thibault quelques kilomètres plus lloin s’est arrêté prendre un hôtel et nous annonce qu’on peut le rejoindre. Pas négligeable.

Il est 18h, je suis explosé, j’arrive dans cette chambre d’hôte, quel bonheur. J’ai fais une journée de 280km pour peu de D+ mais le vent était trop violent pour continuer. 

Tris nous rejoint quelques minutes après. Le temps de faire des courses pour le soir et repartir plein de bouffe pour le lendemain. 

J’achète tout et n’importe quoi. On dévore tout ça en faisant le point sur notre course.

Notre envie d’en finir avec ce merdier se fait ressentir. 

Une bonne nuit de 4h de sommeil et on repartira vers 2h30, 3h du matin.

Au bout de 50km, Tris est à 2 doigts de s’endormir sur le vélo… 

Il s’arrête au bord de la route pour une micro sieste.

Je continue en direction de Ubeda avec un gros petit déjeuner en guise de motivation. 

Un bon col m’attend avant ça. 

Donc je reprend mes réflexes de la TPR et je passe une bonne heure au téléphone avec mon frère et ma mère.

Ça rassure, il m’encourage et m’annonce que Joani est à une dizaine de kilomètres devant. 

Les routes me plaisent, ça grimpe plus que sur les 1000 premiers kilomètres donc ça m’a rappelle mon Pays Basque. 

Ça me convient mieux, tu montes, tu descends, faut être patient quoi! 

Mais plus tu grimpes plus c’est beau.

Après un autre saignement du nez dans un pétard à 15% de moyenne, je garde le sourire et me dirige droit vers le CP3. Je le redoute depuis mon inscription.

J’ai faillis ne pas faire cette course en voyant que ce fameux désert de Gorafe était encore au programme. L’année dernière je m’étais perdu, coursé par des chiens en pleine nuit, traversé une rivière et rien vu du paysage vu que je l’avais passé vers 4h du matin. 

Cette année je le passe vers 14h et c’est pas la meilleur idée non plus. 

Je fais enfin la jonction avec Joani à l’entrée du désert. A ce moment là c’est la canicule en Espagne et mon gps m’annonce 40 degrés… 

Après quelques mètres à pousser le vélo, Antoine et son acolyte sont là pour nous photographier. Ça fait du bien de voir des visages connus. 

Cette année j’ai chaud mais je ne me perd pas.

Gorafe c’est magnifique! 

 



Arrivé au CP3, Sam de l’orga est là pour nous accueillir, lui aussi en vélo.

Un camping-car de Suisse sur le lieu du checkpoint nous servira de ravito. 

J’attend Joani qui a crevé quelques minutes avant et nous repartirons avec un Hollandais pour sortir de ce four.

Sam nous annonce que le prochain village est à 40km. 

Pas le choix il faut y aller, le CP4 est à 150km de là. 

Arrivé dans le petit village de Huelago, on s’arrête, longtemps mais on en a besoin. 

Ça commande les sodas et cafés par 2. 

Des bocadillos qui font la taille de nos bras. 

Je me permet 2 cigarettes, de toute façon j’ai le temps, cette année j’ai pas envie d’arriver à Nerja en pleine nuit. 

La route est plaisante, la bonne humeurs est présente dans notre groupe de 3. 

On s’accorde pour rester groupés jusqu’au CP4, le soleil se couche, on est fatigués mais c’est quand même plus rassurant de rouler à plusieurs de nuit. 

Les aboiements des chiens raisonnent au milieu des champs d’oliviers. Après quelques bosses en Gravel le sommeil se fait sentir. 

On fait un stop, on trouve un banc chacun et j’active une alarme pour une micro sieste de 20min. 

Le réveil sonne et il nous reste 2h de route pour arriver à Iznajar, lieu du CP4. 

Magnifique petite ville perchée au bord d’un lac. 

Le CP4 est tout en haut de la ville et en y montant on trouve un petit abris pour une nuit en duvet de 2h.

Le réveil vers 5h est compliqué, j’en ai marre mais la mer Méditerranée est seulement à 100km. L’objectif d’arriver pour le repas du midi au restaurant  nous galvanise. 

Notre trio de choc fonce droit vers le sud. Après une petit erreur de parcours, on s’arrête dans un café pour faire le plein de calories.

 



Quelle aventure, dans quelques heures on en aura finit avec cette Désertus. 

Après un dernier col on aperçoit enfin la mer Méditerranée …  quel soulagement.

Je suis à côté de mon pote Joani. Je voulais faire cette course pour partager des moments avec mes potes. Sans le faire exprès j’aurai roulé, mangé, dormis avec eux. La vrai vie d’un cycliste ultra. 

Après 30km à longer la côte sous le soleil on arrive afin à la flamme DB d’arrivée. 

Encore une fois je suis ému d’en finir mais ça ne remplacera jamais la sensation d’exaltation que l’on ressent la première fois.

Mais cette année c’est différent, je vais pouvoir profiter des restaurants, des litres de bières et des grands paquets de clopes avec mes amis. C’est ça que je venais chercher. 

En finissant en 108 heures et 21minutes je me classe 27ième ex æquo avec Joani et Jur. Une meilleure place que sur la première édition. Mais l’objectif premier était de prendre du plaisir sans trop souffrir, ce qui a été le cas. De voir arriver Tristan Lombart que 3 heures après nous, en sachant qu’il a enchaîné les galères me rend fièr de mes potes. Robin qui arrive le lendemain, les jambes défoncées par sa chute au même endroit que Tris, après 8 crevaisons. Piwi mêmes galères, Sharky qui en finit avec sa première ultra. Tous, pour ne citer que eux, ont réalisé un grand exploit qui est d’en finir avec cette fucking course. 

Yvan l’organisateur, m’aura encore fait puiser au fond de moi, même mentalement. Mais cette fois, je finis l’aventure sans douleur au genoux, au dos ou au cou. Le lendemain de mon arrivée, je valide mon inscription pour la TPR N•3 que j’espère réaliser avec mon frère, en paire. 

Affaire à suivre… 

Cardialement 

Tristan Janmart, un Sale Gosse. 

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